La CEDH rejette la requête contre 32 États pour «inaction climatique» et condamne la Suisse.
Ces recours, intentées par des personnes âgées de 12 ans à plus de 80 ans, impliquaient que la CEDH se prononce pour la première fois sur la responsabilité des États en matière d’action contre le changement climatique. Si la Suisse a été condamnée, les requêtes de six Portugais âgés de 12 à 24 ans contre trente-deux États ont été déclarées irrecevables.
Pour des raisons de procédure, la CEDH l’a rejetée. Elle n’a donc pas pu statuer sur le fond.
En effet, les requérants n’ayant pas épuisé les voies de recours disponibles au Portugal, leurs requêtes ne remplissaient pas les conditions de recevabilité, a expliqué la présidente de la Cour Siofra O’Leary, en prononçant cette décision à Strasbourg. Ces jeunes s’étaient mobilisés après les terribles incendies de 2017 au Portugal.
Par deux fois, en juin et en octobre de cette année-là, les feux avaient ravagé le pays, fait 114 victimes, de nombreux blessés, détruits des centaines de maisons, d’ateliers, d’usines. Leur requête était dirigée non seulement contre leur pays, mais également contre tous les États de l’Union européenne (UE), ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie – soit 32 pays au total.
Ils les accusaient d’avoir une responsabilité concernant les conséquences actuelles et à venir du changement climatique. La CEDH a dit à une majorité de 16 voix contre une qu’il y avait eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et, à l’unanimité, violation de l’article 6 relatif à l’accès à un tribunal.
Elle affirme ainsi que l’article 8 consacre le droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie. L’affaire était portée par les « Aînées pour la protection du climat » (2 500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne).
L’association dénonçait des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique » qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé. L’arrêt aujourd’hui est un arrêt historique et nous sommes vraiment très, très heureuses d’avoir porté ceci jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.
Maintenant, nous allons rester très attentives à ce que la Suisse mette en œuvre la décision. Bien entendu, nous comptons sur le Comité des ministres qui doit vérifier et suivre les arrêts de la Cour pour que le pays concerné les mette en œuvre.
La requête d’un ancien maire écologiste du nord de la France, Damien Carême, qui lui demandait de faire condamner l’État français pour inaction climatique a, elle, été jugée irrecevable. Damien Carême n’a pas été reconnu comme victime, a déclaré la présidente de la CEDH, Siofra O’Leary.
Plusieurs heures avant ces arrêts, des dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant la Cour, à Strasbourg, dont la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg. « Ce n’est que le début en matière de contentieux climatique : partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leurs gouvernements devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions.
En aucun cas nous ne devons reculer, nous devons nous battre encore plus parce que ce n’est que le début », a réagi la jeune femme à l’issue de l’audience. Plus de 2 500 dossiers dans le monde ont été recensés mi-décembre 2023, selon le rapport annuel du Sabin Center, dont plus de 1 600 aux États-Unis.
Une part importante de ce contentieux climatique utilise des arguments liés aux droits humains, notamment le droit à la vie, à santé ou à un environnement sain. C’est particulièrement le cas dans des affaires portées devant des juridictions internationales, comme la CEDH.